"Muertos de risa (1998) et Balada triste de trompeta (2011) d’Álex de la Iglesia : une relecture grotesque du passé national récent"

International audienceLe renouvellement générationnel qui caractérise le cinéma espagnol des années 1990 suppose l’apparition d’un groupe de metteurs en scène moins préoccupés par le passé historique national et le militantisme politique que par l’élaboration d’une esthétique visuelle originale et audacieuse, propice à une réflexion sur les problématiques de l’époque contemporaine.Toutefois, le cas du réalisateur basque Álex de la Iglesia, communément qualifié de "postmoderne" par les critiques, révèle que l’histoire espagnole n’en est pas pour autant occultée mais qu’elle est au contraire "fictionnalisée", vidée de tout message politique et mise au service de l’univers grotesque delaiglesiano, à la fois comique et terrifiant. Cette communication se proposera d’étudier en particulier la comédie Muertos de risa (1998) et le drame Balada triste de trompeta (2011) : dans ces deux œuvres, le récit des tribulations et de l’affrontement à mort d’un couple de clowns repose sur un processus de distorsion et d’inversion carnavalesque destiné à célébrer la marginalité, l’obscénité et une violence hyperbolique générée par les traumatismes du XXème siècle espagnol. De la Guerre Civile à la tentative de coup d’Etat du 23-F, en passant par les parties de chasse de Franco et l’assassinat spectaculaire de Carrero Blanco par l’ETA, ce sont les événements marquants, les symboles et les figures du passé national récent qui font l’objet d’une relecture grotesque. La mise en abyme des médias sert en outre un traitement intrahistorique des dernières années du franquisme, perçues à travers la subjectivité de personnages diégétiques eux-mêmes grotesques. L’Histoire constitue ainsi pour le cinéaste le matériau à partir duquel il modèle ses histoires, un terreau de références qu’il se réapproprie pour élaborer une esthétique de la déformation, visuellement saisissante